B comme banlieue (5/5)

Starsbourg, 2005


VIOLENCES URBAINES

Trois grandes caractéristiques sont communes à ce que l'on appelle les "violences urbaines" : leur ancienneté relative (en tout cas aux Etats-Unis), leur irruption sporadique à des périodes et dans des villes différentes, l'incapacité apparente des pouvoirs publics à les comprendre puis éventuellement à les combattre. Le problème reste aujourd'hui difficilement cernable. De fait, les auteurs limitent leurs définitions, comme S. Baudy-Gendrot qui désigne les violences urbaines comme "des actions faiblement organisées de jeunes agissant collectivement contre des biens et des personnes, en général liées aux institutions, sur des territoires disqualifiés ou défavorisés". F.Fappani souligne l'approximation de cette expression. Le terme "violences" désigne tout à la fois des actes commis individuellement ou collectivement, d'intensités et de formes diverses (physiques, morales, affectives...). Et les qualifier d'"urbaines" a peu de sens dans une société française urbanisée à 80%, où celles-ci seront donc majoritairement urbaines. P.Benghozi évoque quant à lui des violences froides et des violences chaudes et pour le Ministère de l'Intérieur, le terme ne renvoie à aucune catégorie utilisée pour enregistrer la délinquance dans les grands ensembles (les catégories étant : outrage à agent, vol, homicide, coups et blessures).

EN FRANCE

Ces violences urbaines apparaissent clairement aux Etats-Unis dans les années 1960 et en France en septembre 1979, avec les premières émeutes dans le quartier de la Grappinière, à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon : des jeunes affrontent les forces de l'ordre et incendient des voitures. Pendant l'été 1981, 250 voitures seront détruites aux Minguettes, quartier de la banlieue Est de l'agglomération lyonnaise. Puis de nouvelles émeutes en octobre 1990 à Vaulx-en-Velin, en mars 1991 à Sartrouville et mai 1991 à Mantes-la-Jolie (Yvelines). A leur suite, ces violences vont se perpétrer de manière régulière à plus petite échelle, comme à Strasbourg lors des fêtes du nouvel an dès la fin 1995 (avec un record de 515 voitures incendiées dans toute l'agglomération strasbourgeoise le 1er janvier 2002). Devenues plus fréquentes, ces violences prennent des formes diverses et peuvent être contre des biens, des personnes, être symboliques ou physiques. L'éruption en octobre 2005 à Clichy-sous-Bois est plus ample et suscite l'Etat d'urgence en France (loi n°55-385 du 3 avril 1955) qui "confère aux autorités civiles, dans l'aire géographique à laquelle il s'applique, des pouvoirs de police exceptionnels portant sur la réglementation de la circulation et du séjour des personnes, sur la fermeture des lieux ouverts au public et sur la réquisition des armes".

QUELLE REPONSE PUBLIQUE ?

L'irruption de violences urbaines est particulièrement grave du point de vue politique : elle remet en question la capacité de l'instance étatique à défendre les citoyens, laquelle est la base du pacte social. Ces violences contribuent à faire monter un sentiment d'insécurité : si celle-ci n'est pas réelle, ce sentiment détermine le vote sécuritaire.

La solution oscille tantôt entre répression et prévention, avec en France un fort accent sur la seconde. Actuellement, la lutte contre ces violences prend plusieurs formes : renforcement de la présence policière dans les zones sensibles, des tentatives de discrimination positive en faveur de ces quartiers et le renouvellement urbain.

Reconstruire l'espace pour résoudre le problème

Repenser l'environnement urbain devient la clé pour prévenir la criminalité. Le but n'est plus de se protéger des accidents et des problèmes naturels mais plutôt des aléas sociaux. En France on parle "d'architecture de prévention", l'exemple le plus usé étant celui des travaux du baron Haussmann (arrêter les révolutions du peuple). Après mai 1968, les pavés des boulevards sont retirés et les nouvelles universités sont construites en périphérie pour éloigner les éventuelles manifestations étudiantes. En 1982 et 1992, Lyon et les Minguettes voient 23000 logements sociaux détruits. Les géographes mettent également en avant le rôle des flux humains dans les émeutes (exemple de l'aménagement du Stade de France qui répartit les flux de piétons). L'architecture des banlieues, par son isolement et son aspect, serait considéré comme "pousse-au-crime" (Garnier). Changer la ville deviendrait un moyen de changer le mode de vie de celle-ci.

IM

Pour aller plus loin...

Sources :

  • BAUDRY-GENDROT Sophie, L'insécurité. Un enjeu majeur pour les villes, Sciences Humaines n°89, 1998
  • DONZELOT Jacques, Faire société, Seuil, 2003, Paris
  • ROCHE Sebastian, Sociologie politique de l'insécurité, PUF, Collection "Quadrige", 2004