Squatt/ Points de vue

Entre illégalité, contestation et résistance...

Du côté de la loi

En France, l'occupation du domicile d'autrui est illicite mais elle n'est pas un délit. C'est une atteinte au droit du propriétaire. Le domicile au sens du Code pénal (art.184) est "le lieu où une personne qui habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient les titres d'occupation et l'affectation donnée aux locaux." La protection s'étend au lieu de résidence secondaire ou à l'habitation occasionnelle ; mais selon la jurisprudence, elle ne concerne pas les logements vacants.

Dans un délai de 48 heures suivant l'intrusion illicite, la police peut procéder à l'expulsion immédiate des squatteurs – c'est le "flagrant délit" (art.53 du Code pénal). Passé 48 heures, la police est juridiquement impuissante. En application de la loi du 9 juillet 1991 (art.61), le propriétaire ou locataire du domicile doit saisir la Justice, obtenir une décision d'expulsion, puis attendre le concours des forces de l'ordre pour l'exécution de cette décision. Plusieurs mois peuvent s'écouler avant que le droit ne soit appliqué.

 

Le point de vue des squatteurs

"Squatter, c'est occuper un bâtiment abandonné, sans avoir demandé l'autorisation à son propriétaire. C'est, de fait, ne pas payer de loyer à des proprios qui possèdent plus d'un logement quand nous n'en possédons aucun. Squatter, c'est critiquer en actes un système qui veut que les riches continuent de s'enrichir sur le dos des pauvres.

Squatter, c'est aussi habiter au sens plein du terme : c'est être libre et responsable dans son lieu de vie. C'est pouvoir y faire ce que l'on veut sans se référer à un proprio qui de toute façon n'y vit pas.

Cest aussi un moyen de survie quand on ne peut pas/plus payer de loyer (un moyen qui peut mener à se questionner sur nos façons de vivre, sur le travail, la famille, la vie collective, le train-train quotidien, sur les possibilités de vivre nos idées dans une telle société)."

Extrait du guide "Le squat de A à Z" rédigé par Les Zortos – occupants du squat au 11 rue des Orteaux, Paris XXe – entre octobre 1998 et mai-juin 1999. Réactualisé et mis à jour, 2007.

 

Entre contestation et résistance

La politologue Cécile Péchu, dans son dernier ouvrage Les squats (Presses de Sciences Po, 2010, 127 pages) retrace la généalogie de ce mode d'action et en analyse les formes de mobilisations, les pratiques et les discours. Inscrivant son analyse dans la théorie des mouvements sociaux, elle montre que les motivations individuelles du squat – trouver un toit – sont liées aux formes politiques de contestation qui s'y développent. Le squat d'aujourd'hui,"occupation illégale et collective", relève d'une pratique ancrée dans l'environnement urbain français.

Cécile Péchu propose sa propre typologie et raisonne en termes de logiques. La logique "classiste" consiste à squatter pour revendiquer le droit au logement : moyen d'action, il articule bien souvent à la pratique un discours sur le droit des ouvriers ou des pauvres. La logique "contre culturelle" fait du squatt non plus un seul moyen d'action mais bien une fin en soi. Les deux logiques se combinent parfois.

 

Le rôle des gouvernants

Au-delà d'une définition à proprement parler du squatteur, il est essentiel de rappeler le rôle joué par les décideurs politiques locaux ou nationaux, les élus ou les services techniques en charge des dossiers de squatts. Car les squatteurs ne sont pas isolés et sont en confrontation ou négociation avec des autorités locales et municipales qui tentent de les contrôler dans un jeu de gouvernance urbaine complexe. Le squatt constitué en problème public devient cible de l'action publique, espace d'illégalité qu'il s'agit de gouverner.

 

En savoir plus :

  • BOUILLON Florence, Les mondes du squat. Anthropologie d'un habitat précaire, Paris, PUF, 2009
  • OLSON Mancur, Logique de l'action collective, Paris, PUF, 1987
  • PECHU Cécile, Droit Au Logement, genèse et sociologie d'une mobilisation, Paris, Dalloz, 2006