Le phénomène Castor - 1/3

« Par son inscription, le sociétaire s'engage, non pas à construire seul sa propre maison, mais, avec tous, la cité entière. Il s'intègre dans une cellule sociale pour penser et agir en union avec les autres dans l'intérêt de tous. Il bâtit la cité fraternelle. […] Le Castor qui s'inscrit s'engage à se donner totalement pour la réalisation de cette œuvre qui sera grande dans la mesure où on y consentira d'immenses sacrifices. »

Article 1er du règlement intérieur de l'association « Les Castors d'Orly », 1952

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Le phénomène Castor est un mouvement né à la fin de la 2e guerre mondiale, alors que les conditions de logement en France sont catastrophiques. Le parc immobilier est dans un état désastreux : aux destructions massives pendant la guerre s'ajoute le vieillissement naturel des immeubles, ainsi que le sous-équipement de la majorité des logements (1/3 possède un WC à l'intérieur et moins de 1 % ont un cabinet de toilette ou une douche). La politique de reconstruction peine à se mettre en place alors que la France assiste à une poussée démographique et à l'augmentation de la migration des ruraux vers les villes. En 1949, un français sur 7 recherche un logement et un jeune sur 5 vit chez ses parents.

La première expérience Castor date de 1948 à Pessac, alors que pour résoudre le problème du logement de 150 familles, la coopérative ouvrière des Castors de Bordeaux décide de construire sa propre cité : le quartier dit « l'Alouette ». « Nous ne bâtirons pas chacun NOTRE MAISON, mais nous bâtirons ENSEMBLE NOTRE CITE », extrait du Réglement intérieur adopté par le Comité Ouvrier du Logement (COL) de Bordeaux, le 21/01/1949. A sa suite, des centaines de groupes « d'hommes qui construisent leur maison eux-même » vont naître à travers la France.

Les « cottages sociaux » sont la préhistoire des Castors. Premier mouvement d'autoconstruction, il s'organise en 1921 en France. Joseph NOVAK, ancien secrétaire de la Confédération Nationale des Castors (CNC) définit cette initiative : « Les cottages sociaux étaient un mouvement organisé en groupes qui construisaient de 20 à 78 maisons avec une technique, un financement et une organisation spécifiques. La technique de construction, mise au point par l'ingénieur Georges KNAPP, consistait à édifier des murs en béton, sans personnel qualifié. Le financement était assuré soit par le Crédit Immobilier, soit par les crédits HBM, grâce à la Loi Loucheur. L'organisation du chantier et la quasi-totalité des travaux étaient effectués par les cottagistes eux-même pendant leurs loisirs. »

L'idéal de ces mouvements populaires d'autoconstruction est celui de l'autogestion et de la coopération dans des perspectives communautaires. Les Castors se veulent dès l'origine temporaires, et si le Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) de l'époque – Claudius Petit – facilite son essor en prenant certaines mesures politiques, c'est bien parce que la France peine à résoudre la crise du logement. Il est en effet difficile d'accepter que des personnes utilisent leur temps de repos pour construire leur habitation.

ESTIMATION DU PHENOMENE CASTOR - tableaux non exhaustifs

Sources :

  • VILANDRAU Maurice, L'étonnante aventure des castors, l'autoconstruction dans les années 50, Editeur Paris Budapest Torino, L'Harmattan, 2002.
  • BANCON Daniel, Les castors de l'Alouette (1948-1951), Editeur Princi Negre, 1998.
  • L'utopie de Pessac, documentaire de 52 min de Jean-Marie BERTINEAU, 2012.